Arrivés à l’été 2019 au rio Dulce (prononcer rrrio doulsé 😜 n’est-ce pas Anna?…), nous avons découvert une base « technique » intéressante. Bon, pour réparer les moteurs, faut se méfier et faire un peu attention à qui on fait appel (n’est-ce pas Bruno…🧐), mais pour les travaux de peinture, réparations de coque, modifications et adaptations diverses, il y a toutes les compétences possibles, que ce soit pour le métal ou les fibres et résines
On travaille parfois avec les moyens du bord, les produits disponibles ne sont pas toujours les mêmes qu’en France, le niveau de sécurité pour les ouvriers est apprécié au cas par cas, mais les capacités techniques et la débrouillardise compensent tout cela.
Dès les premiers jours, nous avions fait la connaissance de Tristan; un (encore) jeune français, installé depuis quelques années après un précédent passage au Mexique. Bruno lui a rapidement confié des travaux de réparation d’un safran et d’un quillon qui avaient souffert d’une manoeuvre malheureuse à Union (Grenadines). Et de fil en aiguille, coque et pont ont été largement rénovés et So Far So Good est reparti rajeuni de 10 ans.
De notre côté nous étions lassés de recoudre régulièrement les coutures des fermetures éclair de notre grande capote. Si celle-ci était bien agréable pour nous protéger du soleil, force est de constater qu’au bout de seulement 4 ans, le fil « spécial UV » du fabriquant (NV équipement pour ne pas le nommer) rendait l’âme de tous les côtés. De plus les fermetures éclair les plus sollicitées recommençaient à perdre quelques dents, ce qui ne facilite pas les ouvertures et fermetures en urgence.
Le tarif prohibitif de cette société (4000 € juste pour changer les toiles) nous faisait beaucoup hésiter à faire un second renouvellement de toile seulement 4 ans après le précédent.
L’idée avait donc germé dans nos esprits de remplacer cette structure en toile et tubes par une vraie casquette rigide. Outre l’avantage de la robustesse, on améliore grandement l’abri pendant les longues navigations, et il serait possible occasionnellement de monter « sur le toit » pour travailler sur la voile ou les bosses de ris. Quand au caractère « rabatable » de la capote en toile, force est de constater au bout de 3 ans qu’on ne l’utilise jamais, car on s’abrite toujours de quelque chose: pluie ou soleil…
Mais le budget d’un tel objet en métropole……… comme c’est forcément du sur-mesure et que le moule a peu de chance d’être réutilisé, n’importe quel chantier naval nous aurait construit ça pour un minimum de 30 000€… pas vraiment accessible ! A moins de se contenter d’une structure façon « tourelle de char d’assaut », comme on en voit souvent sur les pontons. Mais nous, on est chiants; on veut beau, utile, et pas trop cher siouplait… 😜
Mais au Guatémala, la main d’oeuvre est moins chère. Et puis Tristan a travaillé plus jeune en France à la construction et la mise au point de bateaux de compétition (que des « one-off » et du sur-mesure); et puis, le challenge l’a tenté, et nous avons rapidement trouvé un terrain d’entente. Un budget de 60000 quetzals (environ 7000 €), et charge à nous de ramener les vitres en plexiglass marine de 10mm introuvables sur place.
Pour mémoire, Manoir avant les travaux, c’était ça:
La vitre avant pouvait s’ouvrir et se rouler. Et Naty (maman de Luke) avait fabriqué des « ailes » en sunbrella cousues sur les côtés qui amélioraient un peu la protection latérale. Visibilité correcte à travers les vitres, surtout quand on vient de les laver…
Le projet, le voici… (on ne rit pas…). En vert, les vitres, en rouge les montants, et en bleu les aérations.
Bon, en cours de route, le pitaine a quand même dressé quelques profils et vues en coupes, mais Tristan a sa propre manière de travailler, moins « mathématique » et plus « pratique » et les discussions ont été longues, nombreuses, pas toujours simples, mais au final fructueuses.
Le travail a démarré par la prise de côtes sur Manoir complètement déshabillé de son ancienne capote.
Et tout d’abord, présentation de l’atelier. On est au Guatémala, donc autant vous dire qu’on ne parle pas d’un laboratoire « salle blanche ». Pour le contrôle des températures, de l’humidité, on va faire au mieux. L’atelier est installé sous la nacelle d’un gros catamaran, (Grace) dont Tristan est le boat captain; là, on est à l’abri de la pluie, mais pas toujours de la poussière et du vent. Et puis, c’est bien rangé… 😂
Ensuite, construction du moule en contreplaqué fin sur structure en tasseaux « costauds ». Peut-etre la partie la plus longue, avec de nombreux aller-retours entre le chantier et Manoir pour vérifier les largeurs, hauteurs, courbes, etc… On commence par le toit, dont les formes et les arrondis sont essentiels pour nous. Le style, le design, ça compte…
Puis les formes du pare-brise avant, encore un peu plus complexe.
Et surtout les arrondis avant:
Ensuite, le moule a été complètement recouvert d’un « glaçage » qui permettra au final un démoulage nickel. Puis l’ensemble du moule a été recouvert d’une couche de gel-coat qui sera, après démoulage, la face visible à l’intérieur du cockpit.
On poursuit avec l’application de plusieurs couches de résines, tissus de fibre de verre, tissés ou pas selon les couches, avec dès le début des zones plus renforcées qui permettront de percer la structure pour installer les vitres.
Cette fois, « l’objet » est prêt, et Tristan et son équipe doivent le démouler. L’opération se passe bien, et le bébé est accouché sans douleur. A vous de deviner quel est le moule, quel est le projet
Entretemps, nous avons approché Manoir au quai le plus facile d’accès. En l’absence de camion, de grue, de treuil et de tout ce qui aurait pu faciliter l’approche… et bien on en revient à la marche, au portage. et le trajet n’est pas facile.
Et enfin, le bébé rejoint sa place, sur Manoir qui attendait depuis de longues semaines ce complément indispensable.
De la première photo de dépose (novembre), à la pose ci-dessus, 4 bons mois se sont déjà passés, durant lesquels le pitaine a été présent au démarrage, puis absent pour les fêtes en métropole, puis à nouveau en couple à suivre les travaux à partir de début mars à la marina. Et le covid arriva…… 🙃🤬😤🥺
Après quelques semaines de coupure et de couvre-feu quasi intégral (black-out complet à partir de 16h), Tristan et son équipe ont pu reprendre doucement les travaux, avec beaucoup de contraintes d’horaires, de protection des autres bateaux vis-à-vis des poussières (et oui, on mastique, on ponce, on mastique, on ponce, on mastique,… mais vous avez compris… )
Commence alors notre longue vie de « gitans », planqués sous les bâches pour protéger les travaux à toutes étapes (mastic, fibres, mastics, gel-coat, cire, etc…)
Mais à force de patience, de ruse et d’inventivité pour contourner couvre-feu et restrictions, les équipes de Tristan ont pu réaliser le revêtement final de la casquette, ainsi que les liaisons entre le pont et « l’objet »
Puis est venu le temps du traçage des ouvertures. Bien évidemment, entre le projet de départ et l’objet réalisé, aucune cote ne colle, et les débats avec Tristan ont été longs et passionnés; entre les soucis de robustesse de l’un (petites lucarnes) et l’envie d’ouverture de l’équipage (open space tout vitré…)
Après le traçage, le perçage, et la vérification de la solidité de l’ensemble après ouverture. On va,pas se mentir… grosse confiance. Surtout après la pose des vitres en,plexiglass de 10mm, qui contribue au final à raidir la structure.
Et enfin, après de longues semaines de patience et de nombreux travaux de finition (Tristan est très exigeant avec son propre travail), nous avons le plaisir de vous présenter le nouveau cockpit de Manoir, prêt pour de nouveaux océans.
Bien sûr, à l’heure ou je vous écris, cela date un peu. Depuis juin 2020, Manoir est à terre au Rio Dulce et nous attend pour retrouver enfin son univers naturel et les grands espaces.
Rendez-vous est pris pour mars et les marées d’équinoxe afin de retrouver la mer Caraïbe et de retourner vers les Antilles. Objectif pour cet été: transat vers l’Europe et la Méditerranée pour naviguer enfin avec plus de liberté en attendant le retour à une vie sans Covid.