Terre, terre!!!…

Voilà, on y est. Dans la marina de Las Palmas.

La dernière nuit de navigation a été calme. En tout cas beaucoup plus que les précédentes. Il faut dire que l’équipage a voté pour une trajectoire un peu plus longue, mais qui nous a laissé à l’abri des vagues le long de la côte de Fuerteventura. Avec un vent qui venait globalement du Nord-Est, puis de l’Est au petit matin.

On a donc peu souffert des vagues, sauf les dernières heures, car le vent devenait trop faible pour appuyer le bateau. Et c’est là que ça devient amusant.

Il est 9h, on est un peu fatigués de la nuit, et on voit à l’AIS 2 voiliers: un cata que Cathy a croisé vers 5h du matin, et un autre qu’on a doublé en fin de soirée mais qui a traversé tout droit et qui est devant nous. On sait que les places au port sont chères (entendre, rares), et on met un peu de charbon. Impossible de revenir sur le voilier qui a trop d’avance mais on passe le cata sur le fil en ayant pris le parti de tomber les voiles un peu en avance sur lui.

Commencent les appels à la marina à la radio. Personne ne répond sur le canal 9. On voit le voilier devant nous se diriger vers la plage à côté du port pour jeter l’ancre (procédure connue ici pour se mettre sur la liste d’attente pour entrer au port). On décide quand même de tenter notre chance et on entre dans le port. Un grand panneau nous dit qu’il faut appeler sur le canal 11 (hum, hum…) et là on nous répond tout de suite qu’il n’y a pas de place, qu’il faut ressortir et jeter l’ancre plus loin, venir s’inscrire sur la liste, patati,patata… on demande s’ils n’ont pas un ponton d’attente, et il est plein. On dit “Gracias”, et on se prépare à ressortir. On aura essayé…

Et là, premier miracle. La radio nous rappelle dans les 30 secondes, et annonce qu’un bateau bouge de ce ponton d’attente et que puisqu’on est là, “poussez vous sur le côté on va venir vous chercher”. On poireaute un bon quart d’heure en observant des suédois se faire accompagner dans la manoeuvre pour rejoindre leur place attribuée avec l’aide des marineros locaux. Entretemps, l’oeil vigilant de Cathy repère un morceau de tuyau de 15 m qui traine entre 2 eaux et veut jouer avec notre hélice. On hèle une annexe de passage qui veut bien attraper l’objet et le déposer au ponton adjacent. Pas question de tourner un remake du serpent du lac de l’Ombre.

L’équipe vient ensuite nous guider avec leur annexe (le port a 1500 places), et deuxième miracle, nous amène directement à la place S6, qui nous est attribuée pour 2 semaines. On a bien fait d’annoncer notre durée de séjour à la radio au début, je pense.

On nous installe à côté de 2 autres français et ils sont 3 pour nous aider à amarrer. Et là, 3ème miracle. Le marinero nous dit qu’il va revenir dans un moment nous chercher pour nous amener à la capitainerie en bateau. Personne n’a jamais vu ça sur le ponton. Et effectivement, une heure plus tard, il revient et nous amène en zodiac de l’autre côté du port. On nous a prévenu qu’il faut prendre un ticket et qu’on peut attendre jusqu’à une heure. Ben nous on a le numéro 49, c’est le 47 qui est en train de finir et le 48 a disparu. Bref, en 10 minutes c’est torpillé et on a payé 184 € pour 2 semaines. 13€ par jour tout compris. 3 fois moins cher qu’à Saint-Mandrier en hiver. 5 fois moins qu’en été. Le service premium continue, puisque le marinero nous ramène ensuite en zodiac sur Manoir pour nous éviter de marcher. Il a été bien content,de récupérer le serpent qui trainait dans leur port et a été bluffé par les photos de notre serpent.

Pendant ce temps (et à cette heure encore), nos 2 “concurrents” de ce matin sont à l’ancre sur la plage adjacente et attendent le bon vouloir du maître de port.

C’est un beau pays les Canaries, et on a déjà fait 2 lessives qui sèchent, on a l’eau courante, l’électricité et tout est prêt pour accueillir nos petits.

Première étape, 1600 miles en 17 jours, avec 7 journées de relâche à Ibiza, Carthagène, Ceuta et Lanzarote pour récupérer et laisser passer les gros coups de vent. Soit une moyenne de 150 à 160 miles par jour de mer. Plus longue étape, Ceuta-Lanzarote, 4 jours, 4 nuits et un serpent; plus grosse journée au large du Maroc, 200 miles en 24 heures. Plus grosses rafales en mer, 40 noeuds. Vitesse de pointe, 15 noeuds.

Tableau de bord.

Alors pour les curieux que cela intéresse, voici le tableau de bord de navigation de Manoir, cette nuit à 23:12 local.

Sur la carte, la position de Manoir, avec 3 cercles de 10 mn chacun. Le vecteur de cap du bateau, fixé à 8 mn (en pointillé), et le trait rouge qui nous dit où nous serons dans 3 heures à cette vitesse. Les traits bleus ensuite, ce sont mes prévisions de cap, prochain empannage dans 2 heures au sud de Furteventura, puis droit vers Las Palmas, en traversant entre les 2 rails de cargo (peu empruntés…).

En haut à droite, les indication de vent instantané, réel et relatif, angle par rapport au bateau et vitesse. Au milieu, les caps et l’angle du gouvernail (on voit si le pilote force beaucoup ou pas), puis les positions, température d’eau et vitesses (sur l’eau, et gps, la vitesse réelle).

Dessous, très important, les graphiques de vents sur la dernière heure, force et direction. Là, on voit que le vent baisse, et qu’il tourne un peu du NE vers l’Est.

Sur la carte, les flèches de vent, et en haut à gauche des données chiffrées qu’on peut consulter avec les prévisions toutes les 3 heures. Là, je regarde les prévisions pour demain matin à 6:00.

S’il y avait des bateaux professionnels on les verrait avec l’AIS sur cette carte, ainsi que les non-pro comme nous qui ont choisi de s’équiper. Mais ce soir, il n’y a personne sur notre route (on capte à 5 ou 10 Mn nautiques autour de nous, selon la bateau et la météo.)

C’est un logiciel qui s’appelle Open CPN, gratuit, et sur lequel chacun choisit ses tableaux de bord. Là, ce sont les nôtres, à peu près définitifs maintenant après ces 3 semaines de tests.

On a aussi l’écran radar sur un ipad, mais là, y a rien à vous montrer ce soir. C’est tout noir, il n’y a personne.

Manoir file entre 6 et 8 noeuds, avec 1 ris et génois, sur une mer calme; presque un lac. Cathy me relève pour 3 heures dans 30 minutes, mais il faudra sans doute qu’elle me réveille 2 heures après pour empanner à 2. C’est facile, mais c’est plus sûr à 2.

Bonne nuit…

La pointe sud de Lanzarote

C8884304-A3C0-4AFA-90D0-9100F754A02CNous voilà de nouveau en navigation, pour la dernière étape 2017 de notre périple. Nous avons quitté Lanzarote vers 13h30, avec tous les pleins et des vivres pour au moins 15 jours. Et même plus si on mange comme les jours précédents…c’est a dire pas grand chose !!!!

Sauf que cette fois-ci, l’étape est de 120 miles au max, et qu’Eole a décidé d’être sympa avec nous. Donc, 5 à 15 noeuds de vent dixit Mr météo, de 3/4 arrière tout du long, et effectivement, la mer est plate et le vent agréable.

Rendez-vous à Las Palmas. En espérant qu’il y ait de la place au port.

La légende du serpent du lac de l’ombre…

L’Atlantique… on nous avait prévenu. Tout est plus grand, plus vaste plus large, plus gros. Souvenez-vous, plus gros…

Nous on pensait aux vagues, aux systèmes météo. Et c’est vrai que depuis Gibraltar, on a pas été déçus. Du vent stable en force et direction, mais qu’on a quand même trouvé plus fort que sur les prévisions.

Résultat, 4 jours de navigation intenses, denses et durs pour les organismes. Parfois épuisant, même moralement. Au final, on a rejoint la marina de Lanzarote, sur l’ile éponyme, où on fait une pause de 24h, avant de terminer ce premier périple vers Las Palmas. Plus que 120 miles nautiques. (200 km, et 20 heures max).

Durant cette navigation, un épisode… on navigue au portant avec notre génois tangonné. Voilà ce que ça donne.

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Une voile à babord, une à tribord, ça s’appelle un ciseau. C’est super stable et ça navigue bien, y compris vent arrière. On décide de garder ça pour la nuit. Qu’est ce qui peut bien nous arriver ?!…

Vers 21:00, nuit noire sans lune, alors que le vent est monté à plus de 20 noeuds, on marche à plus de 8. D’un coup le bateau part de travers et la grand voile empanne (elle change de coté toute seule). Le Capitaine à la barre démarre tout de suite le moteur pour aider à remettre le bateau dans le bon sens, mais celui-ci cale dès qu’on demande de la puissance.

Donc, à la voile, on se remet dans le bon sens, mais entretemps, le tangon à l’avant a pas aimé. On roule le génois en catastrophe. A l’avant le tangon pend sur le coté. Il a été déboité de la cloche qui le tient au mat car lors de l’empannage, la voile à tiré en avant au lieu de pousser vers le mat. Et c’est pas fait pour ça.

On finit la nuit, un peu dépités avec la trinquette en reprenant nos trajectoires en diagonale. On se pose des questions sur ce qu’on a mal fait, on dort mal, peu , et le bateau gite beaucoup plus comme ça. Forcément …

Au matin, le soleil brille et on voit un truc qui traine derrière la bateau. Toujours à pleine vitesse, et il y a 25 noeuds. On se dit, voilà, on a pris un bout (une ficelle, une corde), dans l’hélice, et c’est pour çà que le moteur veut plus démarrer. Comme c’est un élément de sécurité majeur, on décide tout de suite de s’en occuper. On stoppe le bateau (mise à la cape, cherchez un peu……), et on attrape un bout de la corde. On essaye de tirer, mais l’autre moitié est toujours dessous, on a beau tirer, rien ne vient. Pas envie d’aller à l’eau dans cette houle de 3m et ce vent… et puis ce gros machin qui traine dans le bateau…

Grâce à une manœuvre audacieuse de relance du bateau à pleine vitesse avec un morceau de la « corde » attaché à l’avant on réussit enfin à hisser le bestiau sur le pont. 2 heures de combat quand même, hein…

Oui je parle bien de bestiau, parce que la corde en question, on a beau etre fatigués, elle est lourde et elle se débat, telle un monstre marin.

Voilà pourquoi. Imaginez notre tête quand on a vu ça dans notre sillage au matin.

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On a eu de la chance de ne pas être au moteur quand on l’a attrapé. Et c’est lui qui a dû faire pivoter le bateau avec le concours d’une bonne vague pour nous faire empanner.

Perceval et Karadoc ne mentaient pas:  le serpent du lac de l’Ombre existe bien.  Le marinero qui nous a aidé à nous ammarer à Lanzarote n’en revenait pas …

 

Tangon réparé. Moral à la hausse après la douche, la sieste et le repas. Et après la nuit prochaine,  prêts à repartir demain.

 

 

Direct aux iles

Finalement, nous avons décidé de filer direct jusqu’aux Canaries.

L’atlantique tient pour le moment ses promesses. Du vent, stable en force et en direction, des prévisions météo fiables, et de la houle. Un peu désordonnée, c’est ce qui est le moins agréable.

Les escales marocaines nous auraient bien tenté, mais le vent est pile dans notre direction. Il faut en profiter, d’autant que cette faveur nous oblige quand même à tirer un peu des diagonales (pour ne pas naviguer pile vent arrière, ce qui est un peu instable), et rallonge un peu notre route.

Donc on accroche les côtes marocaines pour avoir du réseau, de la météo, des news, et on va filer.

Et surtout, chapeau François. Superbe record du tour du monde en solitaire. Deuxième meilleur chrono de toute l’histoire de la voile, tous équipages confondus, et en solo. Excusez du peu!!!… Nous qui peinons un peu après 2 nuits…

Ce sera quand même moins fatiguant quand Pat et Alain nous aurons rejoints.