L’Escadrille

Repartis de la baie de Samana à 4h du matin, nous avons touché comme prévu les alizés à la punta el bufadero. Légèrement nord, ce qui nous a permis une belle trajectoire direct sud-est vers Porto Rico, que nous avons rejoint à la pointe sud aux aurores le lendemain matin. La météo nous avait fait miroiter la pétole et nous escomptions de longer la côte sud au moteur. La réalité fut tout autre et le vent soutenu à plus de 15 nœuds combiné à une mer hachée qui nous a conduit à poursuivre à la voile. En soirée, décision prise de filer toute la nuit au large plein sud-est afin de revenir le lendemain tout droit vers les îles vierges US.

En début de soirée, le pilote nous fait une petite figure pendant une prise de ris. Résultat, une suspente du lazy bag usée cassée… Pas grave, on ramasse poulies et ficelles et on poursuit notre route, y’a juste nos deux ris qui pendent un peu sur le côté bâbord de la bôme.

En milieu de nuit, le pitaine ne dort que d’un œil (et demi…) dans le cockpit (gilet capelé et longe attachée au bateau quand même), quand il est réveillé par une variation d’assiette du bateau. La suite est surréaliste. Cela fait quelque temps que le pilote fait des virements de bord intempestifs quand le vent varie un peu. Pas de vrai problème, on reprend la barre (le bateau est déjà à la cape), on fait un 360 sans toucher aux voiles, on rerègle le pilote et basta. Même pas besoin de moteur. Mais cette fois-ci, j’ai beau faire la manœuvre, le pilote recommence aussi sec. Au 3ème, Cathy arrive sur le pont, se doutant de quelque chose. Le pilote ne marche plus. Premier réflexe, je laisse le bateau se stabiliser à la cape (il ne bouge presque plus, et dérive doucement…), et je vérifie le vérin de pilote et le moteur hydraulique. Tout est ok de ce côté là, pas de fuite.

Deuxième test, on éteint l’électronique de bord, et on rallume. Tout revient, y compris loch et GPS, mais le pilote ne tient toujours pas. Je tente une dernière fois de le laisser prendre le contrôle du cap, au dernier moment j’attrape la barre et j’évite le virement de bord, mais ce n’est pas normal. La force du vérin aurait du m’empêcher de prendre la main.

Là, je commence à comprendre, je plonge au fond de la cabine arrière, et le verdict est sans appel. Le vérin n’est plus fixé à la barre. Normalement, il est attaché au secteur de barre. Un genre de tiers de camembert en fonte d’alu, de 60cm de diamètre et bien 10kg. Ce “camembert” est fixé sur l’axe du safran (le gouvernail). Soit on le manœuvre avec des câbles quand on barre à la main, soit c’est le vérin du pilote qui pousse à droite ou à gauche quand c’est lui qui gouverne. Et bien le vérin est intact, mais il a arraché un œil dans le camembert. Une pièce que j’aurais jugée indestructible…

Bref… Plus de pilote automatique. Le cauchemar en équipage réduit… Et bien figurez-vous qu’à 3 heures du matin, on a attaché la barre avec une sangle velcro. On avait GV 2 ris, et génois moins 4 tours, et le pitaine a pu finir sa nuit sans aucune alerte de cap. Bon, ça avance moins vite (4 à 5 nœuds), mais ça avance, et dans la bonne direction. Au matin, virement vers les îles vierges comme prévu. Cathy a barré 4 heures, moi 5, et la sangle, 7 heures. Et à 19 heures, nous avons mouillé notre ancre à Saint-Thomas.

Ce matin, lazy réparé (un petit tour dans le mat, et 15min de bricolage sur le pont), nous avons repris la mer pour faire du point de croix entre les îles vierges à la voile et à la barre (on connait le terrain), avec comme objectif de les quitter au nord-est dans l’après-midi et de confier à la barre à la sangle pour la nuit vers le sud-est. La météo est annoncée clémente et nous devrions rejoindre Saint-Martin demain dans la journée.

Audiard avait raison, les emmerdes c’est comme les cons, ça vole toujours en escadrille.

Le secteur de barre
L’otr’ morceau……
Et la solution…

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