Je ne sais pas d’où vient ce mot, mais c’est comme ça qu’on parle entre “gens de la mer” quand on évoque nos conditions du jour (quoique, je ne sais pas si avec notre petit expérience, nous soyons déjà des “gens de la mer”, mais bon, passons).
Depuis quelques jours, le pitaine-routeur espérait une petite ouverture météo pour viser les Açores. Un soupçon d’espoir sur quelques fichiers grib (les prévisions météo prises par satellite 4 fois par jour), parfois déçu, parfois confirmé. D’un jour à l’autre, la prévision variait beaucoup.
Finalement, il y a 24 heures, la situation a paru se décanter, et décisions fut prise d’empanner à minuit pour faire route au Nord. Le but est de nous glisser par un trou de souris juste dessous la dépression qui fuit vers l’Est au-dessus de nous et d’attraper sa traîne qui nous donnerait des vents portants jusqu’au bout.
Et donc pour le moment, tout va bien. Enfin, du point de vue météo et route… En pratique, le vent est monté assez vite jusqu’à force 5-6 (25 nœuds de travers, ça allume…), plus fort que prévu, et nous faisons route au 20° (Nord-Nord-Est), avec des creux de 4 à 5 mètres assez impressionnants. On a rentré le génois et ressortit la trinquette et la grande voile à 2 ris (en clair on a 80m² de voiles, au lieu de 140). D’ici ce soir, le vent doit mollir et surtout pivoter vers la droite ce qui va nous permettre à la fois de viser Horta aux Açores, et de prendre le vent de 3/4 arrière, ce qui est bien plus confortable.
En attendant, la mutinerie gronde à bord. “Y’en a marre!… Je veux pouvoir me peigner en me regardant dans la glace”. “Ce soir je voudrais du fromage blanc avec coulis de fruits rouges”. Bref, la composante féminine de l’équipage (mais pas que…) aimerait beaucoup que Manoir revienne un peu plus à plat et attend avec impatience son déconfinement.
Si le pitaine ne s’est pas planté, c’est pour ce soir. D’ailleurs, le vent commence à baisser et nous chipons petit à petit des angles de cap vers l’Est.
Sinon, toujours autant de sargasses. Impossible de mettre une ligne à l’eau. Heureusement que frigo, congélateur et cales sont pleins car pour le poisson frais faudra encore attendre.
Le temps se rafraichit, les pantalons et vestes légères sont sortis, et les polaires ont rejoint les cabines. Le soleil se lève à 3h45 du matin (on est à l’heure des Antilles sur Manoir), et on a franchit deux fuseaux horaires.
Ce matin, on avait 1500 miles dans le tableau arrière du bateau, et moins de 900 miles à couvrir. On se relâche pas, mais on tient le bon bout.
On voulait voir l’Atlantique ? Ben là, on y est. On va ramener des vidéos sympas (bon, pas du drone car la seule tentative en mer s’est soldée par un dérapage à l’atterrissage et une noyade… A pu drone. Parti drone…).
Allez, on pense à vous qui pouvez enfin déjeuner en terrasse au bistrot.
Bises from Manoir, par 31N13, 42W44; cap au 20, vitesse, 7 nœuds. Distance au but, 838 miles.