Derrière Manoir le sillage s’étire blanc et lumineux comme une chevelure d’écume et d’étoiles. L’eau court le long du bateau, et le vent chante dans les voiles. C’est tout l’ensemble du gréement qui semble prendre vie. C’est le début de mon quart de nuit, et le soleil rougit déjà l’horizon, et invite Vénus à se coucher à ses côtés peu après.
Le vent tient bon et Manoir file bon train. De toute façon Manoir avance toujours très bien, dans le petit vent mollissant, comme dans 25 noeuds de baston, dans une houle de 4 à 5 mètres.
La mer à 360 degrés nous enveloppe peu à peu dans les lumières orangées et roses du crépuscule, où le ciel commence à se confondre avec l’océan.
La lumière est de plus en plus basse, et les teintes virent au gris plus sombre et inquiétant.… Je regarde les écrans et non on ne va pas plus vite que durant la journée, en revanche tout semble prendre une autre dimension.
Les oiseaux de mer exécutent leurs dernières danses au ras de l’eau. Leurs chorégraphies bien rodées sont sublimes et Manoir se dessine un chemin à travers eux, tel un chef d’orchestre bien décidé à livrer à son public, sa meilleure représentation….
La nuit est maintenant tombée et chacun s’organise en vue de sa nuit ou de son quart. Les étoiles percent bien hautes. Une drisse claque dans le grand mat noir du bateau. La sensation n’est pas la même. Tout devient étrange, la vitesse semble encore accélérer, et là où le reste de l’équipage va rentrer à grand pas dans la magie des rêves, je commence à contempler le ciel, ce sera, avec le bateau, mes seuls compagnons pour la nuit. Je cherche quelques repères familiers. Il ne faut surtout pas se laisser gagner par les mystères de la nuit. Les bruits sont pourtant les mêmes que ceux de la journée, mais ils sont amplifiés par la nuit.
Une voile qui frissonne, le bateau qui claque, l’eau qui fuit à grande vitesse sous l’étrave. Manoir s’enfonce un peu plus dans la nuit, mais se rapproche incontestablement des Açores. On se fait très vite à la nuit sur le bateau, et cela devient même un petit moment privilégié où l’on semble rentrer en communion avec les éléments et avec la « machine » avec laquelle on pactise secrètement pour que tout tienne bon jusqu’au bout du voyage… Dans la grande majorité des cas, tout se passe bien, et une fois le quart terminé, on rit volontiers de ces moments de doutes inavouables, et incontrôlés… Le quart est déjà terminé, et le suivant vient prendre ma place. Les échanges sont courts et le sommeil vient vite embrumer les esprits.
De toute façon une transatlantique ça ne se raconte pas, ça se vit !!
14 jours et 4 heures ne peuvent pas se résumer en quelques lignes… Bien évidemment c’est une aventure inédite pour moi, et pourtant si banale, une fois à terre au port d’Horta. Finalement on compte tellement sur le bateau, qu’il devient un véritable compagnon à qui l’on parle, et que l’on chouchoute au quotidien.
Je me dois de remercier Cathy et Luc pour leur accueil à bord, et pour tous les moments de partage durant cette longue route. Merci à Manoir d’avoir fait le boulot. Merci et merci encore….
L’équipage de relève est arrivé à Ponta Delgada, et il est temps pour moi de passer le relais. De toute façon, une transat ça ne se raconte pas , ça se vit !!!
bravo les zamis!
bon retour et bonne continuation!