… Non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en train de vous annoncer le naufrage de notre beau Manoir. Mais cependant, vous allez admettre, j’espère, que le titre est tout a fait adapté!…
Nous vous avions laissés au départ des Roquès, avec un créneau météo plutôt favorable et un départ pour Grenade. Mais la météo, ça évolue toujours un peu, et surtout les spécificités locales dont on nous avait parlé étaient bien au rendez-vous.
Résumons-nous: il s’agit d’aller d’ici à gauche à là-bas à droite.
La première ile est interdite, car c’est une prison militaire ou Chavez a été un temps emprisonné. On suppose qu’aujourd’hui, d’autres l’ont remplacé.
L’ile de la Blanquilla est une étape possible, pile sur la route, et l’archipel des Testigos aussi, même s’il semble un peu au Sud.
Ben oui, mais il faut tenir compte du vent. Et ici en gros, il vient de droite (d’Est), 364 jours par an. J’exagère à peine… Manoir est un voilier, plutôt taillé pour faire du près (remonter au vent), et un quillard, donc qui dérive assez peu. Mais ça, c’est sur les lacs, ou du moins quand il n’y a pas trop de vagues. Et ici, des vagues, il y en a. Et dès que le vent dépasse les 15 noeuds, la houle du large monte à 2m, et souvent est un peu croisée et turbulente. Et puis, il y a un autre petit truc, qui s’appelle les courants. Vous connaissez tous le gulf stream, qui permet à l’Europe et à la France d’avoir un bien meilleur climat que New-York ou Montréal. Et bien ici, il y a beaucoup de courant qui remonte du Brésil pour se ruer au Mexique (tous des migrants!!!…). Et plus on s’approche de Grenade, plus il est fort. Jusqu’à plus de 3 noeuds. Quand Manoir atteint vaillamment 5 noeuds à 30 degrés du vent, vous voyez ce qu’il reste pour avancer…
Même dans le bleu, il y a du courant, mais plutôt de 1 noeud…
Brèfle… première étape assez rapide et on rejoint la Blanquilla en 32 heures avec une trajectoire de 157 miles (pour 120 en ligne droite). On a juste finit les dernières 3 heures au moteur pour arriver avant la nuit confrontés à un vent trop faible (moins de 8 noeuds). Voilà ce que donne notre slalom. Plutôt coulé comme trajectoire… cool !
En revanche, le génois n’a pas résisté. La réparation de la fixation basse (l’amure) faite en Guadeloupe a lâché. En fait, le travail était bien fait, mais un petit bout de dynema (cordage très solide) que j’avais installé pour bien serrer la voile sur l’étai a cisaillé la sangle. Rien de compliqué à réparer pour un maître-voilier mais il faudra attendre la Martinique et surtout tomber la voile…
En attendant, on navigue avec la trinquette, presque 2 fois plus petite, mais au près, et à partir de 15 noeuds, ça suffit bien. On a tout le temps 1 ou 2 ris dans la grand voile aussi.
Et puis aussi, cathy a essayé dans la nuit de s’assoir sur le pataras, mais ça n’a pas marché. Mais sa fesse droite a une belle marque qui a ensuite viré au bleu, puis au jaune. A cette heure, elle s’efface doucement…Youpi
Petite soirée dans un mouillage top. Plongée, ballade sur la plage 🏝
[wpvideo r22KokIF ]
[wpvideo zZWQQmdh ]
Avec une “petite” rencontre sous-marine, une belle murène d’au moins 10 cm de diamètre.
[wpvideo NXNozmd8 ]
Et toujours…
et encore… je sais, des fois y en a marre des couchers de soleil. Mais bon, un petit de temps en temps. 😉
… et surtout bonne grosse nuit pour récupérer avant la seconde étape qui s’annonce plus cool,😎plus courte (90 miles en route directe) et surtout plus au Sud, donc théoriquement plus facile à aller chercher… en théorie.
En pratique, après échange avec Bruno par téléphone satellite (ils sont partis avec 24 heures de retard pour récupérer le visa d’Oxana), il nous annonce une météo plus renforcée. On décide de filer quand même, et dès le départ, on est confrontés aux courants, puis au manque de vent. Avec tout ça, on galère à quitter la Blanquilla et on louvoie avec l’aide occasionnelle du moteur entre les ilots. Du coup, il est plus de 14 heures quand on s’éloigne enfin de l’ile. La fin de journée et le début de nuit voient le vent monter, mais on file bien sur une route presque directe.
Je me repose un peu pendant que Cathy fait le premier quart jusqu’à 23 heures. J’ai bien fait, ce sera son dernier. Entre 20 heures et Minuit, c’est du vent instable, tournant, une mer hachée, courte, et un bateau qui tape dedans. Cathy se sent de moins en moins bien et finit même par renvoyer à la mer tout ce qu’elle a avalé🤮. Tout le milieu de nuit, c’est virement de bords à gogo pour essayer de suivre les rotations du vent sous les orages ⛈ et au passage éviter une petite ile, bien nommée La Sola, sur laquelle plusieurs grains semblent vouloir nous ramener.
Avec le concours occasionnel du moteur, puis son appui permanent pour tenir un vrai cap, nous avançons quand même dans la bonne direction. Cathy s’est bien levée à 2h pour prendre son quart mais vu son état l’instruction du capitaine a été formelle:
“Tu vas te coucher et tu ne te relèves que quand tu vas mieux ou quand je viendrai te chercher si j’ai besoin d’aide”
Elle réapparaitra avec le soleil, pas lumineuse, mais vaillante quand même.
Au lever du jour, les mesures de vent et de courant nous ont conduits a conserver voiles et moteur pour une trajectoire près serré, seule manière de maintenir une vitesse supérieure à 3 noeuds face aux effets conjugués du vent (Est), des vagues (Nord-Est) et du courant (Est-Sud-Est). Pas envie d’une autre nuit en mer dans ces conditions!!!…
Même si c’est joli parfois, sous les grains. ⛈
Et Les testigos (encore une ile Vénézuélienne) nous ont enfin acceuillis. Mais un truc nous fait souci: on a fait plus de moteur que prévu et le dernier plein date de Bonaire, juste après Curaçao: la jauge baisse. Comme on se méfie un peu d’elle et qu’on sait les difficultés de la 3ème étape de navigation, on cherche à faire un peu de mazout. Contact pris avec les pêcheurs locaux (toujours aussi gentils, et encore plus pauvres qu’aux Roquès), une bande de jeunes nous propose un carburant bleu, un peu gras, et nous affirment que c’est du diesel, pour des moteurs 4 temps. On leur prend 15 litres dans un jerrican, on leur laisse autant d’Euros (on a plus de dollars mais ils veulent bien nous croire que c’est mieux) et du café, de la farine et du sucre en prime. Du coup ils nous proposent un bidon de 70 litres moyennant 100 euros. On suit la Barque avec Manoir et ils reviennent avec un gros bidon, bouché par un film alimentaire, et me tendent un bidon d’huile 2 temps en me faisant comprendre que je dois balancer ça avec dans mon réservoir. Je comprends d’un coup qu’ils font visiblement tourner leurs moteurs avec un mélange et qu’ils affirment qu’un diesel va accepter ça. Celui de leurs Lanchas peut-être (les barques locales qui font aussi office de bateau-maison pour les pêcheurs), mais je n’essaierai pas avec le Yanmar de Manoir. On leur rend donc leurs 15 litres, on leur laisse 5 euros et les aliments pour l’aide, et on se dépêche d’aller mouiller dans la petite baie en face de la guardia costa.
Los Testigos, petit archipel très mignon, mais nous ne traînerons pas à terre. Nous avons surtout besoin de récupérer, et de préparer notre dernière navigation pour Grenade. On se délestera avant de partir de toutes les provisions qu’on avait achetées pour offrir dans ces iles. A part le poisson, qui pullule, ils n’ont pas grand chose, et nos modestes présents ont eu l’air d’être bien accueillis (même si des cigarettes leur auraient aussi bien plu visiblement)
On fait et refait les calculs de consommation, on consulte le journal de bord pour vérifier dans le passé… c’est sûr, il doit nous rester au moins 120 l, soit 40 heures de moteur. C’est beaucoup, mais en cas de souci avec les voiles ou la météo plus dure que prévu, il faudra bien tout ça…
On s’appelle par satellite avec Bruno, on consulte notre pote Vincent en Belgique qui nous fait un super point météo par sms, et on décide encore d’y aller le lendemain matin. Cette fois, cap vers le Nord, pour traverser le plus vite possible le “fleuve” de courant qui veut nous emmener au Mexique (revoyez plus haut), et ensuite, il s’agit de louvoyer dans la zone de courants plus faibles jusqu’à Grenade. Voilà le résultat: en bleu la route prévue pour échapper aux courants les plus forts et en violet celle réalisée.
On s’en est pas trop mal sortis au niveau trajectoire. La traversée du courant avec l’appui du moteur pendant 10 heures, puis tout le reste à la voile pour rallier Grenade et sa station service. Les calculs étaient justes et même largement prudents, puisqu’il nous reste encore 110 l de gasoil.
En revanche, la nuit de voile a été plutôt musclée, et Manoir a bien tapé dans la mer. A l’arrivée, pas mal d’humidité à l’intérieur, des objets qui ont volé dans tous les sens, et même le support de la cuisinière qui a été cisaillé net. En démontant le tout au port pour vérifier les dégâts, j’ai cassé la porte vitrée du four: Manoir va avoir une nouvelle cuisinière (je parle du four, pas de la patronne!…). D’ailleurs, la patronne, parlons-en; elle s’est faite un peu bousculer par une vague durant la nuit et elle s’est rattrapée aux filières avec les dents. Enfin, c’est une image, mais ses lèvres ont un petit côté Pamela Anderson… bon, pour les bisous faut y aller molo, parait que ça pique (la lèvre, pas la barbe du pitaine😂)
Mais bon, mission accomplie. Manoir nous a ramené de Curaçao aux Grenadines, contre vents et courants. 667 miles de navigation dans le “mauvais” sens, dont en gros “seulement” 40 heures de moteur. A cette heure, après avoir dormi une nuit au port à Grenade, lavé Manoir dedans-dehors et ravitaillé un peu la cambuse, nous filons tranquillement vers Union (porte d’entrée Sud des Grenadines de saint-Vincent) ou “So far so good “nous rejoindra cette nuit pour reprendre nos découvertes ensemble.
Cathy est heureuse🤩🤩🤩; on ne devrait plus naviguer au près serré avant plusieurs semaines, voire des mois… ça ne nous manquera pas.